Charlotte est morte dimanche dernier

Charlotte est morte dimanche dernier ,28 janvier. J'ai laissé passer quelques jours, ici, au calme protégé par le jardin et l'Ermitage St joseph qui décidément porte et joue si bien son rôle d'Ermitage :"Demeure isolée et retirée permettant une retraite spirituelle" mais je ne sais pourquoi j'ajoute à cette définition, une espèce de présence enveloppante et protectrice. Et "vla t'y pas" comme aurait dit Lucile, que depuis hier je reçois quelques mots,messages , email et autre SMS, d'amis de charlotte et de moi même qui me disent la tristesse qu'ils ont d'apprendre "la disparition" de Charlotte.

Et là, je revois et repense à un moment précis vécu avec Charlotte, sur justement le vocabulaire utilisé pour annoncer la mort d'un être cher. Cette discussion a eu lieu chez notre amie Yvette Lacour (92 ans)qui venait de recevoir coup sur coup la même semaine , trois annonces venant de trois amies qui devaient formuler ainsi chacune l'annonce de la mort de leur mari............. "Allo Yvette je viens te dire que mon mari nous a quitté hier !!!!!!!!!!" ......Allo Yvette je viens te dire que mon mari s'est éteint hier!!!!!!!!..........Ce à quoi Yvette qui ne s'est jamais encombrée des convenances, répondait : " mais qu'est ce que tu me racontes, ton mari a disparu, ton mari s'est éteint, ton mari t'a quitté...... mais qu'est ce que tu racontes ..;ton mari est mort !!!" et là, elle raccrochait le téléphone et se tournant vers nous, entra dans une explication à sa façon.

A celle qui lui annonça une disparition , elle rétorqua, "tu as regardé sous ton lit ?" A celle dont le mari s'était éteint: "tu lui a soufflé dessus?", et à la troisième que le mari l'avait quitté: " et bien moi il y a longtemps que je t'aurais quitté avec le caractère que tu as !!!!" Et c'est ainsi que madame Lacour devait nous dire et nous répéter avec véhémence et emportement son exaspération devant cette dérive du vocabulaire qui ne veut jamais dire ce qu'on veut réellement dire.

Je me souviens ici de l'étonnement de Charlotte et de moi même, qui devions bien admettre la réalité de ses propos. Je dois avouer que depuis je ne peux m’empêcher de sourire chaque fois que j'entends ou peux lire ici où là: "Madame Rita Chougnard s'est éteinte ce matin à la suite d'une longue maladie."........ "Maryvonne Lebouzec nous a quitté hier foudroyée alors qu'elle étendait son linge!!!"............. "Mademoiselle Folarmeul, a disparu ce matin sans même nous laisser un mot......"

Et oui, et c'est ainsi que ce matin je reçois un appel téléphonique d'un ami :"Allo jean rené, je viens d'apprendre la disparition de Charlotte...." et moi d'un ton sec et peu amène :"mais qu'est que tu dis ..Charlotte n'a pas disparu, elle est morte!!! elle est morte..." ............... " oui je sais c'est une question de vocabulaire !!!"............et je passe ici sur la suite de notre conversation. Chose incroyable, cet ami, venait d'être prévenu par une personne de Paris qui avait travaillé avec Bernard Joly !!!!! Là encore il faudra que je raconte ce coup de téléphone à Charlotte.... un collaborateur de Bernard Joly qui prévient un ami parisien qui aujourd'hui s'est retiré du côté de Villeneuve sur Lot......non mais je rêve!!!!

Depuis ce matin , la pluie me tenant dans la maison, la maison dans ma chambre et ma chambre devant mon clavier d’ordinateur, j'ai décidé de commencer à mettre un peu d'ordre dans mes pensées, mes souvenirs, et tout ce qui a fait que ma relation avec Charlotte fût ce qu'elle fût , hors des sentiers battus, toujours improvisée, sans oublier les fluctuations et autres montagnes russes lesquelles toujours devaient provoquer et entraîner un plaisir toujours intact et sans cesse renouvelé autour de notre plus grand plaisir, celui de la conversation. Je réalise ici que c'est précisément ce silence imposé ces derniers huit mois qui fût pour moi une souffrance que je ne pouvais pas toujours cacher. Mais je reviendrai plus tard sur cette année passée, cette année entière 2017, oui, entière à laquelle on ajoute janvier 2018............ quelle histoire............. comment pouvait on imaginer cela.

Charlotte, je l'ai rencontrée et découverte à Deauville, chez Joëlle et Emmanuel....... je dois ici me demander si la chose se fît en 74 ou 75...... je ne peux pas en toute objectivité annoncer ici d'une façon péremptoire et écrire d'une façon définitive ............. 1974.........1975..................Il faudra que je mène une enquête auprès de la famille .....

Je sais que Charlotte était accompagnée de Patrice, Joëlle d' Emmanuel, Yvanne par je ne sais plus, François par Madame, Marie par un homme , plus d'autres que je ne vais ou dont je ne peux faire la liste ici...... je me souviens d'une seule chose précisément, deux des invités de ce weekend , étaient seuls ............. Lucile et moi même personnellement.

Je sais que le premier déjeuner devait être pris en toute simplicité au Club 13, et que placé en bout de table ( nous devions être une douzaine), je dus me féliciter du plan de table qui me plaça en face de Lulu, à laquelle je demandai lui tendant la carte :

- "qu'est ce que tu choisis s'il te plaît?"

Ce à quoi sans se démonter et le plus naturellement du monde Lulu me répondit:

- "Comme d'habitude, tu le sais bien !!!!"

Lulu devait avoir 9ans !!! et moi tout juste 30, mais toujours "adolescent mal fini" selon une définition dont Charlotte avait le secret .

C'est vrai qu'elle aimait les mots, les expressions, les raccourcis, pour dire , parler et surtout écrire , sur tout , et même souvent sur rien. C'était un art que Charlotte pratiquait à merveille avec une joie non dissimulée. Elle prenait la parole et donnait souvent le ton et le sens de la conversation, donnait un avis, le sien ou celui d’un autre avec un aplomb et une propension naturelle à soutenir tout et même parfois n'importe quoi.

J'avais très vite appris cette façon qu'elle avait de prendre et d'utiliser "le micro", et je sais maintenant que je devais la pousser parfois dans cet exercice qui au delà de l'amusement , me comblait par l'originalité et la fantaisie des propos avancés. Charlotte était comme çà, et le silence dans une assemblée, a toujours été, chose inimaginable en sa présence. Il est certain que la lecture , passion première de Charlotte , lui a toujours fourni mille exemples , mille histoires , milles vies et milles récits sur lesquels elle a toujours pu s'appuyer pour étayer ses opinions et ses avis définitifs sur la marche du monde.

Mais sur ce monde , ce fût en premier lieu les uns et les autres ( et comme aurait dit Charlotte: " lorsque je dis les uns, j'embrasse aussi les unes..." çà: c'est du Charlotte dans le texte). Je m'aperçois que je lui ai piqué plein d'expressions et de tics de langage. Il faudra au cours des semaines et mois prochains, que je note tout cela, mes emprunts lexicaux à Charlotte jaillissant ça et là sans que je m'en aperçoive. Donc je vais faire attention et vais essayer de noter les mots , les expressions et autres "Charloteries" grammaticales. Je sais que cet exercice va me plaire . Je sais que Charlotte va me manquer, et c'est précisément pour cela que je vais raconter bientôt, au cours des jours futurs, mes impressions , souvenirs et autres sentiments mélangés et partagés.

Par contre , pour écrire et raconter Charlotte, j'ai déjà remarqué, pour avoir adopté ce même exercice après la mort de mon frère Yves,............ oui, j'ai déjà remarqué que ce sont des moments parfaitement ordinaires, des rêves parfois, des endroits, et la solitude qui viennent me bousculer et me tirer par la manche et je ne sais encore exactement le pourquoi de la chose..........

Mais je suis pris soudain par un flots de choses et de moments que je dois impérativement raconter. Et comme je suis seul au jardin ou ailleurs, mais au jardin souvent, je dois dire que c'est vers le clavier de mon ordinateur que je vais pour essayer de traduire et écrire ce que mes pensées bientôt vont me dicter. Et là...pourquoi, comment...le mystère est total, et j'ai l'impression que quelqu’un me dicte mes petites aventures parfois si lointaines et pourtant si prégnantes.

Alors autant vous dire que vous aurez la primeur de toutes les aventures de CHARLOTTE !!!!! Charlotte au ski, Charlotte en canoë, Charlotte serveuse de restaurant, Charlotte à la pêche, Charlotte au vieux campeur, Charlotte à la pharmacie, Charlotte à Key west, Charlotte chez madame Bonbon, sans oublier, Charlotte à bicyclette, Charlotte à la plage, Charlotte et les taureaux, Charlotte à Miami, et même à New York..... si si......, Charlotte moi je !!!, Charlotte et les trous noirs c'est troublant, Charlotte avec Yves, Charlotte à Paris, Charlotte à l'opéra, Charlotte et Julien, Charlotte et Patrice, Charlotte et Hugue, Charlotte au cinéma, Charlotte à Sommières, Charlotte et tante Réhanne ...SA MARRAINE, Charlotte et ses enfants, sans oublier Charlotte et Lulu, Charlotte et ses petits enfants, sans oublier Margot !!!, Charlotte et le tarot , Charlotte et les tables tournantes, Charlotte dans le train bleu , une nuit du 6 décembre entre Paris et Marseille, Charlotte aux olives, Charlotte et " tu crois que j'ai pris du poids?, Charlotte à table, Charlotte lors d'une messe de minuit naturiste, et encore Charlotte et ses frères , et surtout Charlotte et ses sœurs, et naturellement, mais chez un autre éditeur:

La vengeance de Charlotte ...........

Nuits chaudes boulevard Arago..........

La costumière repentie...........

Le passage Molière n'a pas tout dit.......

Un ciel de Sologne ............

Et mon forfait, tu l'a mis où............

Voici.voilà..................... Ce vers quoi je vais me laisser aller, dans la bonne humeur bien sûr mais aussi une grande tristesse...... je ne peux pas le cacher.

Jean-René